vendredi 7 mars 2008

Repenser le métissage culturel

L’air du temps est à la transgression du tabou des origines ethniques et religieuses. Pour preuve, lors de la (désormais) traditionnelle conférence de presse de l’Observatoire national de la délinquance, le ministre de l’intérieur s’est risqué à proposer de comptabiliser les crimes et délits en fonction des origines des personnes mises en cause...L’air du temps est à la transgression du tabou des origines ethniques et religieuses. Pour preuve, L’Express de la semaine dernière faisait sa une sur l’éventualité d’un changement de politique de prévention de la délinquance par le ministère de l’intérieur... Trois jours plus tard, lors de la (désormais) traditionnelle conférence de presse de l’Observatoire national de la délinquance, le ministre de l’intérieur s’est risqué à proposer de comptabiliser les crimes et délits en fonction des origines des personnes mises en cause. Pour ce dernier : « Il faut faire de la transparence. Il n’y a aucune raison de dissimuler un certain nombre d’éléments qui peuvent être utiles à la compréhension de certains phénomènes. »
Cette affaire de transparence sur les origines ethniques et religieuses des délinquants est un sujet hautement sensible dans nos sociétés occidentales, construites depuis la Seconde Guerre mondiale sur le trauma de la barbarie nazie. Or, depuis quelques mois, avec l’affaire des émeutes de novembre, la politique d’intégration française s’est vue remise en cause par tous les courants politiques, de gauche comme de droite. Nicolas Sarkozy l’a très bien compris, et tente, le premier, de se positionner sur ce thème afin de récupérer le bénéfice de cette primeur. Il suppose acquise la pertinence de la classification par groupes ethniques ou religieux. Or, rien ne le confirme aujourd’hui. En effet, considérer comme valide l’idée que chaque individu (ou collectivité) est caractérisé par une identité unique ou préférentielle, et ceci trop précipitamment par souci d’efficacité, peut être une erreur majeure pour notre politique d’intégration.
Les hommes politiques sont aujourd’hui enfermés entre deux discours, celui des partisans de l’uniformité culturelle (de l’englobement des différences dans une identité commune) et son contraire, celui de l’exaltation de l’altérité, des défenseurs du multiculturalisme (qui vont jusqu’à parfois faire la promotion du modèle communautariste). Dans ces deux extrêmes, finalement, l’individu est condamné à n’avoir qu’une et une seule identité. Il est uniquement citoyen français pour les premiers, qui lui refusent tout autre sentiment d’appartenance religieux ou ethnique. Il n’est qu’exotisme pour les seconds ; un être uniquement identifié par ses origines. Les Anglo-Saxons ont choisi une solution intermédiaire, celle des identités parcellaires, ou à traits d’union (ils parlent d’Italo-Américain ou d’Afro-Américain). Mais cette approche accorde à l’individu un statut de sujet morcelé, éclaté... Moitié Italien, moitié Américain ?
Nous savons tous, je crois, pour l’avoir plus ou moins vécu, que chaque individu traverse au cours de son existence des bulles identitaires différentes. Il finit nécessairement par construire la sienne par choix conscients ou inconscients. Enfermer un individu dans une identité unique, qu’elle soit nationale, ethnique ou religieuse, revient à l’amputer d’une ou de plusieurs parties de lui-même. Pour cette simple raison, et compte tenu de la situation explosive que nous vivons depuis quelques mois, nous serions bien inspirés de retravailler sur le concept de métissage culturel. Sans quoi les solutions que nous proposent nos politiques, toutes fondées sur l’idée de mono-identité, ne feront que créer plus de frustration sur le plan individuel et collectif.


A Lire : Plaidoyer pour un monde métis, de Daniel Bensaïd et Alexis Nouss
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=7052

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